Fréquentation des salles de cinéma : état des lieux 2025
La fréquentation des salles de cinéma en France a atteint en 2024 son niveau le plus bas depuis un quart de siècle, suscitant de vives inquiétudes quant à l’avenir du secteur. Selon les chiffres du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), la fréquentation annuelle s’est établie à environ 180 millions d’entrées, un chiffre en recul de près de 20 % par rapport à la moyenne des années 2010-2019. Cette tendance, amorcée avant la pandémie de COVID-19, s’est accentuée sous l’effet conjugué de la crise sanitaire, de l’essor des plateformes de streaming et de l’évolution des modes de consommation culturelle. Face à ce constat, l’industrie cinématographique s’interroge sur les leviers à activer pour enrayer la chute de la fréquentation et redonner aux salles leur rôle central dans la diffusion du septième art.
Un secteur fragilisé par la pandémie et la concurrence du streaming
La crise sanitaire a porté un coup sévère à l’exploitation cinématographique. Entre 2020 et 2021, les fermetures prolongées des salles et les restrictions de jauge ont entraîné une chute historique de la fréquentation, tombée à 65 millions d’entrées en 2020, soit une baisse de 70 % par rapport à 2019. Si la réouverture des cinémas en 2021 a permis un rebond partiel, la reprise s’est révélée incomplète : en 2023, la fréquentation n’a pas retrouvé son niveau d’avant-crise, restant inférieure de 20 à 25 % à la moyenne de la décennie précédente.
Parallèlement, l’essor des plateformes de streaming telles que Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ a profondément bouleversé les habitudes des spectateurs. Selon une étude du CNC publiée en 2023, près de 60 % des Français déclarent regarder des films en streaming au moins une fois par mois, contre 40 % en 2019. L’accès immédiat à une offre pléthorique, la flexibilité des horaires et le confort du domicile constituent des arguments de poids pour un public de plus en plus sollicité par d’autres formes de divertissement.
Des mutations profondes dans les attentes du public
Au-delà de la concurrence du streaming, les salles de cinéma doivent composer avec une évolution des attentes, notamment chez les jeunes générations. Les 15-24 ans, traditionnellement le cœur de cible des exploitants, privilégient désormais des expériences collectives et interactives, comme les concerts, les festivals ou les événements sportifs. Selon une enquête de l’Observatoire de la vie culturelle, 45 % des jeunes interrogés estiment que l’offre cinématographique en salle manque de renouvellement et d’originalité.
La question du prix constitue également un frein non négligeable. Le tarif moyen d’une place de cinéma en France avoisine 7 euros, mais peut dépasser 12 euros dans les grandes agglomérations, un coût jugé élevé par une partie du public, surtout face à des abonnements mensuels de streaming souvent inférieurs à 10 euros.
Les défis de la programmation et de la diversité de l’offre
La programmation des salles, dominée par les blockbusters américains et les franchises, est régulièrement pointée du doigt. En 2023, les films américains représentaient près de 50 % des entrées, contre 35 % pour les films français. Cette concentration de l’offre limite la visibilité des œuvres indépendantes et des productions européennes, pourtant plébiscitées lors des festivals et par une partie du public cinéphile.
Par ailleurs, la chronologie des médias, qui impose un délai de plusieurs mois entre la sortie en salle et la diffusion sur les plateformes, est remise en question. Certains distributeurs choisissent désormais de sortir leurs films simultanément en salle et en streaming, une pratique qui fragilise encore davantage l’attractivité des cinémas.
Quelles solutions pour redynamiser la fréquentation des salles ?
Face à ces défis, les professionnels du secteur multiplient les initiatives pour réinventer l’expérience cinématographique et reconquérir le public.
1. Repenser l’expérience en salle
- Événements spéciaux : De plus en plus de cinémas organisent des avant-premières, des rencontres avec des réalisateurs ou des acteurs, des projections de films cultes ou des marathons thématiques. Ces événements créent une dimension événementielle et renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté de passionnés.
- Immersion et innovation : L’intégration de technologies comme la 4DX, le son immersif ou les projections en réalité virtuelle vise à offrir une expérience que le domicile ne peut égaler.
2. Adapter la tarification et les offres
- Tarifs attractifs : Certaines enseignes proposent des tarifs réduits pour les moins de 26 ans, des cartes d’abonnement illimité ou des offres spéciales lors de la Fête du cinéma. Ces dispositifs visent à lever le frein du prix, notamment pour les publics jeunes et familiaux.
- Fidélisation : La mise en place de programmes de fidélité et de partenariats avec des acteurs locaux (commerces, associations) permet de renforcer le lien avec le territoire et d’attirer de nouveaux publics.
3. Diversifier la programmation
- Mise en avant des films indépendants : Plusieurs réseaux de salles, comme le réseau Utopia ou les cinémas d’art et d’essai, misent sur la diversité des œuvres et l’accompagnement des films par des débats ou des ateliers.
- Projections exclusives : Des collaborations avec les plateformes de streaming pour proposer des avant-premières ou des projections exclusives en salle sont à l’étude, afin de créer l’événement autour de certaines sorties.
4. Mieux connaître et écouter le public
- Enquêtes de satisfaction : Les exploitants multiplient les sondages et les consultations pour mieux cerner les attentes et adapter leur offre.
- Participation du public : L’organisation d’ateliers, de ciné-clubs ou de séances participatives permet d’impliquer les spectateurs dans la vie du cinéma.
Conclusion
La crise de fréquentation des salles de cinéma, bien réelle, n’est pas une fatalité. Si la concurrence du streaming et l’évolution des modes de vie imposent une adaptation rapide, les salles disposent d’atouts uniques : la magie du grand écran, la convivialité et la découverte collective. En repensant l’expérience proposée, en diversifiant l’offre et en s’adaptant aux attentes du public, l’industrie cinématographique peut espérer retrouver un public fidèle et passionné. L’avenir des salles dépendra de leur capacité à innover et à se réinventer dans un paysage culturel en pleine mutation.

