Trois ans après la prise de Marioupol par les forces russes
Trois ans après la prise de Marioupol par les forces russes en mai 2022, cette ville portuaire de l’Ukraine est devenue un symbole majeur de la politique de russification menée par le Kremlin. Au-delà de la simple occupation militaire, la stratégie russe vise à transformer profondément l’identité, la démographie et l’administration de Marioupol, dans le but d’intégrer durablement la ville à la sphère d’influence russe.
Une politique systématique de russification
Depuis la fin du siège dévastateur qui a détruit près de 95 % des infrastructures de Marioupol et causé la mort de milliers de civils, les autorités d’occupation russes ont engagé une politique de saisie massive des biens immobiliers. Plus de 5 700 logements appartenant à des Ukrainiens, souvent déplacés ou décédés, ont été réquisitionnés. Pour conserver leurs propriétés, les habitants doivent désormais présenter un passeport russe, sous peine de voir leurs biens déclarés « sans propriétaire » et transférés à l’administration locale contrôlée par Moscou. Cette mesure favorise l’installation de citoyens russes, notamment originaires de la République populaire de Donetsk, modifiant ainsi la composition démographique de la ville.
Parallèlement, de nombreux bâtiments endommagés sont démolis, parfois au prix de l’expulsion des derniers résidents, pour être reconstruits selon un modèle urbanistique conforme aux intérêts russes. Le Kremlin ambitionne de faire de Marioupol une ville balnéaire à l’image russe, effaçant ainsi les traces de son passé ukrainien.
Effacement culturel et contrôle administratif
Sur le plan culturel, la russification s’exprime par l’imposition du système éducatif russe dans les écoles locales et la diffusion exclusive des médias en langue russe. Les noms de rues ukrainiens sont remplacés par des appellations soviétiques, tandis que les symboles nationaux ukrainiens, comme le trident ou les drapeaux, sont systématiquement supprimés. Cette politique de « nettoyage » culturel vise à effacer l’identité ukrainienne de la ville et à renforcer la mainmise du Kremlin sur le territoire.
La population locale subit en outre des conditions de vie très difficiles, avec un accès limité à l’électricité, à l’eau potable et aux soins médicaux. Des milliers d’habitants ont été déplacés, et beaucoup d’exilés ukrainiens n’ont plus de domicile auquel retourner, ce qui aggrave la crise humanitaire.
Une stratégie géopolitique à long terme
La russification de Marioupol s’inscrit dans une stratégie plus large du Kremlin visant à consolider son contrôle sur les territoires occupés en Ukraine. Cette politique combine des mesures administratives, démographiques et culturelles pour imposer une intégration forcée. Elle est également accompagnée de déportations forcées de civils ukrainiens vers la Russie, notamment d’enfants, soulevant des accusations graves de nettoyage ethnique et de violations des droits humains.
Selon des documents obtenus par la résistance ukrainienne, Moscou prévoit d’augmenter la population de Marioupol d’environ 300 000 personnes d’ici 2035, en migrant massivement des citoyens russes vers la ville, notamment via des programmes de prêts immobiliers attractifs et l’envoi de travailleurs et fonctionnaires issus de régions russes en difficulté économique.
Enjeux pour la souveraineté ukrainienne et la reconstruction
Marioupol est devenu un laboratoire de la politique de russification du Kremlin, illustrant la brutalité du conflit russo-ukrainien et les enjeux complexes liés à l’identité et à la souveraineté ukrainiennes. La transformation de la ville dépasse le cadre militaire pour toucher à l’essence même de son histoire et de sa population.
La reconstruction future de Marioupol, soutenue par des experts internationaux et les autorités ukrainiennes, devra non seulement restaurer les infrastructures détruites, mais aussi relever le défi de la mémoire et de l’identité. Il s’agira de contrer les effets de la russification pour réaffirmer la place de Marioupol dans l’Ukraine souveraine et préserver son héritage culturel.
Conclusion
Marioupol incarne aujourd’hui la stratégie de russification du Kremlin, mêlant transformations culturelles, démographiques et administratives pour asseoir son contrôle sur cette ville stratégique. Cette politique a des conséquences profondes sur l’identité ukrainienne et la souveraineté nationale, tout en posant des défis humanitaires et géopolitiques majeurs. La reconstruction de Marioupol devra affronter ces réalités pour espérer restaurer son intégrité et son histoire, symboles essentiels de la résistance ukrainienne face à l’occupation.

