Le mouvement contre le harcèlement de rue en Algérie
En Algérie, un mouvement social inédit mobilise les femmes contre le harcèlement de rue, un phénomène largement répandu et longtemps banalisé dans le pays. Depuis plusieurs semaines, des femmes armées de leurs smartphones filment leurs harceleurs dans les espaces publics et diffusent ces vidéos sur les réseaux sociaux, notamment sous le hashtag #NonAuHarcèlementEnAlgérie. Cette initiative, qui s’apparente à un #MeToo local, vise à briser le silence et à inverser les rapports de force en exposant publiquement les agresseurs, souvent dans des postures obscènes ou agressives. Ce mouvement numérique est porté par une nouvelle génération de femmes connectées, audacieuses et déterminées à revendiquer leur droit à exister librement dans l’espace public algérien.
Une stratégie de ‘name and shame’ pour briser l’impunité
La diffusion de ces vidéos a rapidement rencontré un large écho, rassemblant des milliers de soutiens en Algérie et au-delà des frontières nationales. Ce phénomène traduit une prise de conscience croissante et une volonté de changement social profond. Là où les femmes étaient longtemps invisibilisées et culpabilisées, ce sont désormais les harceleurs qui sont publiquement nommés et mis face à leur comportement. Cette stratégie de ‘name and shame’ vise à faire évoluer les mentalités patriarcales profondément ancrées dans la société algérienne et à faire reculer l’impunité dont bénéficiaient souvent les agresseurs.
Ce mouvement a aussi suscité un engagement inédit de certains hommes algériens, qui refusent d’être complices par leur silence. Sur TikTok, Facebook et d’autres plateformes, des voix masculines minoritaires mais significatives soutiennent les femmes, partagent les vidéos et interpellent directement les harceleurs, marquant un tournant dans la dynamique sociale autour de cette problématique.
Un cadre légal encore fragile mais existant
Le harcèlement de rue est reconnu comme un délit en Algérie depuis 2015, avec des sanctions prévues par l’article 333 bis du Code pénal, qui prévoit de 2 à 6 mois de prison et des amendes pouvant atteindre 100 000 dinars. Cependant, malgré ce cadre légal, les femmes rencontrent encore de nombreuses difficultés pour porter plainte. Plusieurs témoignages rapportent une inaction des autorités, voire des humiliations supplémentaires lors des démarches judiciaires, ce qui freine la lutte contre ce fléau.
Par ailleurs, la pratique de filmer des personnes sans leur consentement soulève des débats juridiques sensibles en Algérie, où la loi encadre strictement le droit à l’image. Cette question divise l’opinion publique entre ceux qui saluent cette riposte directe et ceux qui s’inquiètent des atteintes potentielles à la vie privée. Néanmoins, pour beaucoup de femmes engagées dans ce mouvement, la priorité est de dénoncer un phénomène qui affecte leur quotidien et leur sécurité.
Une mobilisation numérique et sociale porteuse d’espoir
Ce mouvement social marque une étape importante dans la reconnaissance des droits des femmes en Algérie et dans la lutte contre les violences sexistes dans l’espace public. En exposant leurs harceleurs, les femmes algériennes renversent les rapports de force et revendiquent un espace public plus sûr et respectueux. La viralité des vidéos et la mobilisation sur les réseaux sociaux traduisent un soutien massif et une volonté collective de transformation sociale.
Cette révolution numérique, portée par une jeunesse connectée et engagée, ouvre la voie à une nouvelle ère de lutte pour les droits des femmes en Algérie, en mettant en lumière un phénomène longtemps ignoré et en appelant à un changement profond des comportements et des lois. Le mouvement #NonAuHarcèlementEnAlgérie incarne ainsi une prise de conscience majeure et un désir de transformation sociale qui pourraient durablement modifier la place des femmes dans la société algérienne.

